Témoignage d’ Antonelle Liota
logopède au centre CFR "La Lumière" à Liège.
Il s'agit d'un petit garçon de 10 ans malvoyant qui est intégré dans un enseignement ordinaire en 5e année primaire.
L'objectif de la séance était d'acquérir un "stimulant" qui lui permettrait d'être plus rapide, plus vif, dans son comportement.
Dans un premier temps, le projet fut très ciblé au niveau du temps de réaction en classe lorsque l'institutrice demande de prendre tel ou tel cahier, de ranger telle ou telle feuille… Ce projet sera ensuite étendu aux activités cognitives comme la réalisation d'exercices, puis aux activités de la vie quotidienne, principalement à domicile, sa lenteur étant continuellement présente.
Il faut noter que les personnes qui présentent un handicap visuel sont toujours plus lentes. Dans ce cas précis, la déficience visuelle de l'enfant n'empêche pas un bon fonctionnement cognitif. Nous pensons que sa lenteur n'est pas seulement due au problème visuel, mais bien à son "tempérament", à sa "personnalité".
Nous avons commencé la séance par une mise en projet en insistant sur les messages positifs car l'enfant est "étiqueté" depuis le début de la scolarité comme étant un élève très lent :
* "Que pourrais-tu mettre en tête pour aller plus vite quand madame te demande telle ou telle chose ?"
* "Je ne saurais pas être plus rapide, j'ai TOUJOURS été lent…"
On voit l'importance de travailler les messages positifs.
Je lui ai proposé alors de dresser la liste de ce qu'évoquait pour lui la notion de rapidité,… être rapide,… aller très vite. Nous avons noté : Une voiture, un lièvre, une roue de voiture, un vélo, des jambes pour courir, un ballon ("quand on shoote dedans il va vite"), une gazelle, un guépard, une tortue, un hérisson, un escargot (ces trois dernières propositions furent données par opposition à la notion de rapidité), un avion et un train.
A partir de cette liste, je lui ai demandé de retenir les trois éléments qui évoquaient le plus la rapidité pour lui. Après élimination, il a gardé la gazelle, le guépard et l'avion.
Je lui ai ensuite demandé d'inventer une histoire dans laquelle il intégrerait ces trois éléments.
L'histoire racontée, puis écrite donne ceci : "Le guépard poursuit la gazelle. Et le guépard n'y arrive pas. Il saute dans l'avion. Puis, ressaute sur la gazelle."
Image
Je lui ai demandé ensuite de réaliser un dessin qui raconte cette histoire. Je lui ai dit enfin que, lorsque madame lui demanderait telle ou telle activité, il devait d'abord "aller rechercher son histoire dans sa tête", ce qui lui permettrait d'aller plus vite; il pouvait se raconter l'histoire ou revoir son dessin. Il s'est avéré, après quelques observations, qu'en situation de classe il évoquait uniquement le dessin.
Dès les premières fois, l'enfant fut surpris de ses "exploits" : "J'ai même été plus rapide que tel ou tel copain ! C'est la première fois…" L'institutrice, qui n'était pas au courant de notre intervention, a remarqué une accélération notable.
Les premiers résultats furent donc rapides, ce qui a amélioré son regard sur lui-même.
La démarche peut donc être étendue à d'autres domaines.
A. Liota, logopède.
Paru dans La Feuille d'IF n°4 de Juin 2002.